Biographie



Issu de la bourgeoisie séfarade de Constantinople, ville où il voit le jour le 8 juillet 1919, Albert Caraco – fils de José Caraco et d'Elisa Schwarz – se trouve déraciné de son terreau culturel assez tôt puisqu’il passe son enfance d’abord en Allemagne et en Europe centrale, puis en Uruguay, où sa famille émigre en 1939 pour les raisons que l’on devine. Cosmopolite, le jeune homme peut se targuer de maîtriser l’espagnol, l’anglais et l’allemand, et il adoptera plus rapidement encore le français, quand il s’installera avec sa famille à Paris, au lendemain de la guerre.

Albert Caraco sera d’abord élevé dans la religion catholique, et ses premières œuvres (des poèmes essentiellement) seront d’ailleurs marquées du sceau d’un mysticisme illuminé. Mais, par la suite, le seul aspect qui restera monacal chez l’écrivain sera son mode de vie : dégagé des contingences matérielles du fait qu’il subsiste grâce aux moyens financiers de ses parents, Caraco devient ce vieux garçon qui s’isole en moyenne six heures par jour pour écrire, écrire sans fin. Il se détourne progressivement de l’Eglise traditionnelle pour professer son adhésion à la pensée gnostique. Dans le même temps, il devient un thuriféraire d’Israël, nation-martyre dans laquelle il identifie une destinée manifeste unique dans l’histoire humaine.

Loin d’offrir une sensation de désespoir mondain à des neurasthénies anodines, Albert Caraco était, de l’aveu même de l’un de ses éditeurs, une sorte de logicien du pire, un halluciné habitant le corps d’un mandarin. Son style est une sublime prose grand-siècle, presque archaïsante, méthodiquement concentrée contre les objets de sa fureur, lui-même bien sûr, mais aussi la France, les femmes, l’Eglise catholique, l’espoir, le sexe, les musulmans, la transcendance. Sa définition du monde : « L’enfer tempéré par le néant ».

Ce qui frappe d’abord chez cet infréquentable, c’est la fin qu’il s’est choisie et qui demeure auréolée d’une part de mystère. Le moment en est clairement établi : au lendemain même du décès de son père, le 7 septembre 1971, Albert Caraco se suicide, exactement ainsi qu’il en avait fait le serment dans ses écrits intimes. Le modus operandi est quant à lui plus nébuleux : la version la plus courue est qu’il se pendit ; certains proches évoquent un geste autrement spectaculaire, soit la section des carotides et l’aspersion de son sang sur les murs de l’appartement parisien du 34 rue Jean-Giraudoux qu’il occupait depuis vingt-cinq ans, avec ses parents.

Il a laissé derrière lui une œuvre gigantesque, composée d'essais, de journaux intimes et de « semainiers », que la maison d’édition L’Age d’Homme entreprend de publier depuis des années.

La Société des lecteurs d'Albert Caraco, animée par Frédéric Saenen et Bruno Deniel-Laurent, a pour vocation d'offrir une introduction à l'oeuvre d'un écrivain qui est peut-être le dernier auteur authentiquement dangereux de la littérature mondiale.